Appel à contributions

 

Colloque des Ateliers d’Écologie Politique
 « Réparer le futur ? Réflexions et expériences depuis l’écologie politique »

1-2-3 juillet 2025, Toulouse

Appel à contributions ouvert jusqu'au vendredi 31 janvier 2025

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Face à l’urgence et à l’amplification du désastre environnemental global, la communauté scientifique fait le constat que « sonner l’alarme » n’a pas eu les résultats escomptés. À travers le monde, les tensions biogéophysiques, économiques et géopolitiques s’accompagnent désormais de reculs démocratiques qui compromettent la capacité collective à faire face aux ravages écologiques. Loin de la vision naïve selon laquelle la science produit des connaissances neutres qui permettent d'éclairer les décideurs et de nourrir l'action politique (Oreskes, 2022), de nouvelles formes d’interactions entre sciences et sociétés sont à construire, lucides sur la situation écologique et critiques des trajectoires actuelles. En ce sens, l’enseignement supérieur et la recherche ont évolué récemment de façon intéressante. Parmi un ensemble de démarches innovantes[1], l’Atécopol de Toulouse a vu le jour à l’été 2018[2] et a depuis essaimé et fédéré d’autres groupes pour former un réseau à l’échelle des sites universitaires en France[3]. Ce réseau est caractérisé par un positionnement propre : celui de l’écologie politique pensée dans un cadre académique.

Souvent confondue avec une simple défense de l’environnement, ou restreinte aux partis politiques qui s’en revendiquent, l’écologie politique relève bien du champ scientifique : elle propose une analyse de toutes les grandes questions environnementales comme étant inextricablement mêlées des enjeux sociaux, culturels, techniques et politiques. Les problèmes environnementaux y sont théorisés comme reposant principalement sur le système économique capitaliste-productiviste mondialisé, les modes d’organisation politique et la volonté de « dominer la nature ». L’écologie politique pense les conditions d’une société respectueuse de la Terre et de ses habitant·e·s. Dans le champ académique, la political ecology anglophone s’est par exemple attachée à déconstruire les récits autour des relations Humains-Nature et notamment leurs effets sur l’orientation des politiques d’aide au développement. La ecología política latino-américaine, bien ancrée dans les sciences humaines et sociales et parmi les activistes, a été une source puissante de revendication de droits collectifs et de défense des socio-écosystèmes contre l'avancée de différents modes de dévastation environnementale et sociale[4].

Les Ateliers d’écologie politique en proposent une déclinaison originale par sa forme (un collectif de scientifiques plutôt qu'un champ de recherche) et son périmètre (toutes les disciplines, autant en sciences de la matière et de la vie qu'en sciences humaines et sociales)[5]. Ils ont pour objectif de travailler avec et pour la société aux modes d’action collective permettant de comprendre les défis socio-écologiques et d’y (ré)agir[6]. La visée de ce colloque est d’ouvrir le champ de recherche en écologie politique à l’ensemble de la communauté académique et par ailleurs à renforcer l’articulation des enjeux écologiques avec les questions sociales face à la fragilisation des démocraties contemporaines. Le cadre de réflexion portera aussi bien sur les verrous qui nous maintiennent dans une trajectoire insoutenable que sur les leviers et les alternatives pouvant permettre d’en sortir. C’est en ce sens que nous invitons pendant trois journées les participants à « réparer le futur » et à faire émerger de nouvelles alliances, au sein du monde académique et au-delà, pouvant y contribuer.

Dans une perspective de dialogue interdisciplinaire et d’échanges science/société, nous encourageons à cette fin une grande diversité de personnes ou de collectifs à déposer des propositions : chercheurs et chercheuses, étudiant·e·s, représentant·e·s d’associations ou de collectifs, artistes, professionnel·le·s des secteurs publics et privés, etc. Le colloque privilégiera des formats participatifs qui facilitent le dialogue et les échanges.

Trois axes de réflexion structureront la rencontre.

 

1. Transformer l'économie, la production et le travail

À l’heure où la dette publique mondiale atteint le montant extravagant de 100 000 milliards de dollars, comment l’écologie politique contribue-t-elle à remettre en question l’emprise de l’économie orthodoxe sur nos sociétés en tant que discours hégémonique de justification des destructions et dominations capitalistes ? Face au poids écrasant de cette doxa, quelles autres approches développer, fondées sur la notion de soutenabilité, prenant en compte les différentes dimensions du bien-être humain et compatibles avec les limites planétaires ? Comment refonder le système socio-économique pour y inclure les dimensions essentielles du vivant et des écosystèmes ? Il s’agira de réfléchir, notamment sous l’angle des grands cycles biologiques et géophysiques, à une transformation du métabolisme territorial (Buclet et al. 2019), à celle des grands domaines de la production (tels l’agriculture, l’industrie, le secteur minier) ou encore de secteurs essentiels (comme la santé, l'éducation), aux évolutions du monde du travail, ainsi qu’aux nouvelles pratiques et représentations des modes de consommation.

Nous accueillerons dans cet axe une diversité de propositions pouvant porter sur les questions suivantes (sans prétention à l’exhaustivité) :

modèles économiques hétérodoxes (y compris décroissance et post-croissance) ; intégration de l’écologie dans les luttes syndicales ; économie sociale et solidaire ; alternatives et expérimentations relevant de la subsistance ; nouveaux modèles de production agricole et paysanneries ; sécurité sociale de l'alimentation ; analyses des flux et stocks de matière et d’énergie ; nouveaux modes de consommation (de l'abondance à la sobriété) ; ressources, extractivisme, déchets et contraintes bio-géo-physiques (phosphates, nitrates, polluants de synthèse, usages de l’eau, des sols, etc.) ; production et consommation low-tech ; modélisation des scénarios socio-économiques soutenables et critique de la modélisation ; etc.

2. Réinventer la démocratie : trajectoires, luttes et alternatives

Dix ans après la mort de Rémi Fraisse dans une lutte contre un grand projet à Sivens dans le Tarn et alors que Donald Trump vient d'être réélu aux États-Unis, force est de constater que les aspirations pour « un autre possible » (Escobar, 2024) se heurtent à l'inquiétante progression de politiques réactionnaires, illibérales, néo-fascistes. Les pouvoirs autoritaires qui s'installent ou tentent de s'installer s’opposent aux changements radicaux de pensées et de pratiques pouvant garantir le maintien de l'habitabilité sur Terre. La montée des extrême-droites proches du (ou déjà au) pouvoir dans bien des États s’accompagne d’une intensification d’un backlash anti-écologique déjà en cours ailleurs, d’une mise en pause des politiques publiques environnementales ainsi que de régressions dans les cadres réglementaires, législatifs et juridiques. Quel rôle l'écologie politique peut-elle jouer dans l'engagement de ces rapports de forces, en cette période de tensions géopolitiques et de réorganisation des systèmes de domination ? Comment repenser les formes de participation collective à différentes échelles et à l’aune des enjeux socio-écologiques à partir d’initiatives qui émergent un peu partout ? On s’intéressera notamment aux verrouillages matériels, écologiques et climatiques que doivent dénouer les politiques de « transition » sans mettre à mal le cadre démocratique, ainsi qu’aux poids des héritages, de la maintenance des infrastructures et des risques technologiques qui pèsent sur la transformation des sociétés industrialisées.

Nous accueillerons dans cet axe une diversité de propositions pouvant porter sur les questions suivantes (sans prétention à l’exhaustivité) :

nouveaux imaginaires et alternatives concrètes ; apports des visions et des luttes antifascistes, (éco)féministes et décoloniales aux réflexions démocratiques et écologiques ; politique ontologique et nouvelles articulations humains/non-humains ; institutions, gouvernance et planification écologique ; organisation et mobilisation citoyenne autour de luttes territoriales ; approches participatives pour les sciences de la vie et de la matière ; démocratie technique et enjeux politiques de l’ingénierie ; gestion démocratique des infrastructures fossiles, des « communs négatifs » et du démantèlement ; etc.

3. Repenser notre rapport aux sciences et aux technologies

Alors que tous les secteurs d’activité sont concernés par l’essor de l’intelligence artificielle et que les appels à manipuler notre environnement avec des techniques incertaines se multiplient (géo-ingénierie, nouvelles techniques génomiques), il n’est pas inutile de rappeler que l’écologie politique n’a cessé de questionner le rapport à la technique et ce qu’il fait au monde. À mesure que les sociétés humaines font de plus en plus face à des problèmes qualifiés de « pernicieux » (wicked problems) (Likhacheva et al. 2023), dont la définition même pose question et qui requièrent des approches systémiques, comment pouvons-nous réinterroger nos manières de connaître, de construire et de partager les savoirs ? Quels rôles nouveaux pour les scientifiques en lien avec les autres acteurs sociaux ? Quels apports et limites des dispositifs à l’interface science-société (Science Avec et Pour la Société, recherche-action participative, tiers-veilleurs, boutique des sciences...) ? Quelle pertinence de certains savoirs au détriment d’autres, quelles priorités dans la recherche et réponses aux verrous scientifiques pour la soutenabilité ? Quel cadre et quel rôle pour le développement technologique, les approches low-tech et les « solutions fondées sur la nature » ? Il s’agira in fine d’explorer l'engagement critique de l'écologie politique au sein du monde académique mais aussi avec les arts, la société civile et les mouvements sociaux.

Nous accueillerons dans cet axe une diversité de propositions pouvant porter sur les questions suivantes (sans prétention à l’exhaustivité) :

recherche, enseignement et engagement public des scientifiques dans le contexte de l'urgence écologique ; démarches de désertion et de bifurcation (académique et industriel) ; savoirs situés, injustices épistémiques Nord-Sud ; potentiel ou fausses promesses des solutions technologiques ; dispositifs de science post-normale ; épistémologie et réflexivité ; retours d’expérience sur les projets Science/Société/Environnement ; potentiel transformateur de la création artistique ; etc.

 

MODALITÉS DE PARTICIPATION

Date limite : vendredi 31 janvier 2025. Le dépôt des contributions se fait en ligne sur l'onglet "nouveau dépôt" du site, en s'étant préalablement identifié ou en ayant créé un compte (pas besoin d'être universitaire pour cela).

Trois formats de contribution sont proposés :

1) Atelier participatif

L’objectif est la participation active de toutes les personnes inscrites à l’atelier. Le format est LIBRE. La proposition devra expliciter l’intention (thématique, objectif recherché), les modalités d’animation, les besoins (salle, plein-air…), le nombre minimum et maximum de participant·e·s si c'est pertinent. Indiquer la durée souhaitée : 1h30 ou 3h.

2) Symposium ou table-ronde (1h30)

À la différence du format plus horizontal de l’atelier, il y a une tribune et un public. L’organisation des prises de parole est à votre guise : enchaînement de présentations orales, table-ronde avec animateur ou animatrice, présentations suivies de discutant·e·s, etc. Sans oublier un temps de questions provenant du public.

3) Communication individuelle

Dans le but de favoriser le dialogue, les communications individuelles seront orientées vers un symposium ou une table-ronde, ou une session posters dédiée.

 

Modalités d'évaluation

Les soumissions seront évaluées de manière anonyme par deux lecteurs ou lectrices issu·es du comité d'organisation et du comité scientifique.

Format de la soumission :

- Un résumé (2 pages / 6.000 signes maximum)

- Liste des potentiels intervenant·e·s (noms et affiliations). Précisez si ces personnes ont déjà été contactées et si elles ont donné leur accord pour participer à l’événement (cela n’est pas obligatoire à ce stade : si votre proposition est retenue vous pourrez alors les inviter). Les personnes organisatrices peuvent bien sûr faire partie des intervenant·e·s. Le colloque se veut l’occasion de susciter de nouvelles interactions ou collaborations, ne vous censurez pas, surtout si vous êtes doctorant·e, jeune chercheur ou chercheuse, en bifurcation thématique, non-académique, etc. ou que vous n’avez pas encore de « réseau » constitué sur la thématique qui vous intéresse.

- Pour les propositions académiques : inclure une liste des travaux sur lesquels la discussion (ou l'atelier) s’appuiera. Il peut s’agir de travaux déjà publiés (dans ce cas, il suffit de donner la référence bibliographique ou le lien HAL) ou de travaux en cours (cela pourrait par exemple être le cas d’un travail de thèse ; transmettre alors un court résumé).

 

Colloque porté par :

Atécopol (Toulouse), Abécopol (Bordeaux), AtécopolAM (Aix-Marseille), Atécopol Dijon (Penser les Transitions), Atécopol Lyon (Fabrique des Questions Simples), Atécopol Montpellier, Atécopol de Nantes, CAMPUS d’Après (Grenoble), Cat'Écopol (Perpignan), Écopolien (Île-de-France), Épolar (Rennes).


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Références bibliographiques

Atécopol (2021). L’Atelier d’écologie politique toulousain (Atécopol) : pour un engagement scientifique. Natures Sciences Sociétés 29, 3, 326-333.

Atécopol (2022). Greenwashing, manuel pour dépolluer le débat public, coll. Anthropocène, Seuil.

Buclet, N. (dir.). (2019). Essai d'écologie territoriale : L'exemple d'Aussois en Savoie, CNRS Éditions.

De La Cadena, M. (2010). Indigenous Cosmopolitics in the Andes: Conceptual Reflections beyond 'Politics. Cultural Anthropology, 25 (2): 334–70.

Escobar, A. (2024). Un autre possible est possible : des chemins pour les transitions depuis Abya Yala. Paris: Zulma. 

Fairhead, J., Leach M. (1996). Misreading the African Landscape: Society and Ecology in a Forest-Savanna Mosaic. Cambridge University Press.

Forsyth, T. (2003). Critical Political Ecology: The Politics of Environmental Science, Routledge.

Gudynas, E. (2015). Direitos da Natureza: ética Biocêntrica e Políticas Ambientais, Editora Elefante.

Hecht, S. & Cockburn, A. (2011) The Fate of the Forest: Developers, Destroyers, and Defenders of the Amazon, The University of Chicago Press.

Leff, E. (2021) Ecologia política: Da desconstrução do capital à territorialização da vida, Editora da Unicamp.

Likhacheva, K., Bretagnolle, V. & Arpin, I. (2023). An exploration of the influence of problem wickedness on project pluralism in sustainability science. Sustainability Science 18, 2423–2440 (2023).

Oreskes, N. (2022). The trouble with the supply-side model of science. Proceedings of the Indian National Science Academy88(4), 824–828.

Robbins, P. (2004). Political Ecology: A Critical Introduction, Wiley-Blackwell.

Svampa, M. (2019). Las fronteras del neoextractivismo en América Latina. Conflictos socioambientales, giro ecoterritorial y nuevas dependencias, CALAS. 



[1] Mentionnons à titre d’exemples : l’instauration de « sciences de la durabilité » et de projets One Health, la création du GDR Labos 1point5, les avis du COMETS (comité d’éthique du CNRS), et du comité Éthique en Commun (Inrae, Cirad, Ird, Ifremer), ainsi que les formations aux enjeux environnementaux dans l’enseignement supérieur et la fonction publique.

[3] Penser les Transitions (Dijon), La Fabrique des Questions Simple (Lyon), Campus d’après (Grenoble), Écopolien (Île-de-France), Atécopol Montpellier, Épolar (Rennes), AtécopolAM (Aix-Marseille), Abécopol (Bordeaux), Cat'Écopol (Perpignan), Atécopol de Nantes.

[5] Cf. par ex. la composition de l'Atécopol Toulouse, pour moitié composé de non SHS (cf. Atécopol 2021).

[6] Cf. par exemple : https://vocabulairedestransitions.fr/ et Atécopol 2022.

 
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